Genève Aéroport a organisé jeudi 5 juin dernier le 1er Forum sur les carburants durables pour l'aviation à Genève.
Plus d’une centaine de participants ont répondu présents à cette invitation. À cette occasion, les acteurs du secteur ont partagé leur expérience autour de la législation européenne qui prévoit l’obligation d’incorporer une quantité minimum de SAF (Sustainable Aviation Fuel) dans le kérosène, en prévision d’une obligation équivalente qui entrera en vigueur en Suisse dès 2026. « Ce forum contribuera, je l’espère, à augmenter la production à grande échelle des carburants aériens durables et aidera l’aéroport de Genève à résoudre l’équation lui permettant de livrer du SAF aux opérateurs de la plateforme », a déclaré en ouverture Gilles Rufenacht, Directeur général de Genève Aéroport.
La législation «
Refuel EU Aviation » prévoit, depuis le 1
er janvier 2025, que tous les vols au départ d’un aéroport de l’Union Européenne ont l’obligation d’incorporer une part minimale de SAF (2% en 2025, 6% en 2030, 70% d’ici à 2050). Les carburant aériens durables permettent de réduire l’empreinte carbone de 80% par rapport aux carburants fossiles. Ce levier a pour objectif de décarboner le secteur de l’aviation et s’inscrit dans le cadre fixé par l’UE pour atteindre la neutralité carbone d’ici 2050.
Quid en Suisse ?
La Suisse vise également la neutralité carbone du transport aérien à l’horizon 2050. Pour atteindre cet objectif,
l’Office Fédéral de l’Aviation Civile (OFAC), prépare actuellement, entre autre, la reprise de l’obligation la directive REFUEL de l’Union Européenne qui est prévue d’entrer en vigueur au 1
er janvier 2026. "En Suisse, une obligation d'incorporer au kérosène une quantité minimum de SAF est prévue dès 2026. Notre cadre législatif sera donc harmonisé avec les règles européennes », a assuré Boris Stolz, de l’OFAC. Il a par ailleurs annoncé la création d’un fonds d’aide de 400 millions de francs, disponible dès mai 2025 et ce jusqu’en 2030, pour soutenir la filière dans cette transition.
L’harmonisation entre les législations est un point crucial qui a été soulevé par les
compagnies aériennes présentes au forum. « L’une de nos liaisons phares est Genève-Londres. Les exigences en matière de SAF diffèrent déjà entre l'UE et le Royaume-Uni. Si la Suisse propose quelque chose de différent, ce sera très difficile à gérer pour les compagnies aériennes », a expliqué Jean-Marc Thévenaz, d'easyJet Suisse.
Tout comme la nécessité d’une flexibilité du système, ainsi qu’un focus sur le prix des carburants aériens durables. « Aujourd’hui, le SAF coûte deux à six fois plus cher que le kérosène, ce qui est un défi pour les compagnies », a noté Jessica de Lange, de SWISS International Air Lines.
Tout en s’affirmant « prêts à implémenter le mandat SAF dans leur filière », les
fournisseurs de carburants ont aussi souligné leur besoin d’avoir une législation claire et compatible avec le reste de l’Europe. Ils ont par ailleurs insisté sur la nécessité de clarté dans l’attribution du bénéfice environnemental car « notre chaîne de production fait intervenir de très nombreux acteurs ».
Innovation et SAF
La production de SAF à l’échelle industrielle est désormais un défi de taille pour le secteur. Selon une
estimation de l’Association du transport aérien international (IATA), 1 million de tonnes de SAF ont été produites en 2024. L'industrie aura probablement besoin de quasiment 500 millions de tonnes d'ici 2050.
Pour satisfaire cette demande croissante, de nombreuses entreprises travaillent sur des technologies novatrices. A l’occasion de ce Forum, la co-entreprise «
H4 Marseille Fos », basée en France et issue de la fusion de H2V Industrie et H2gen, a présenté son projet. Grâce à la technologie Méthanol-to-Jet, elle espère produire 75’000 tonnes de e-SAF dès 2030. Elle a mis particulièrement en évidence l’atout du pipeline existant entre Marseille et Genève pour livrer du e-SAF sans utiliser des transports à émission de CO2 tels que des camions ou bateaux. L’entreprise suisse
Metafuels, en collaboration avec l’Institut Paul Scherrer, a quant à elle développé un nouveau concept : l'aerobrew, une technologie permettant de convertir le méthanol vert en SAF. Elle vise également un démarrage de la production en 2030.
La chaîne de distribution du kérosène à Genève Aéroport est-elle prête à acheminer du SAF dans les années à venir ? Les différents acteurs ont répondu par l’affirmative, assurant que « plusieurs types de carburants sont aujourd’hui transportés via le pipeline qui débouche sur l’aéroport sans aucune contamination entre eux. La distribution de SAF fera partie du même écosystème ».
Ce
1er Forum sur les carburants durables pour l'aviation à Genève a donné lieu à de fructueux débats entre les intervenants. S’il n’a pas permis de lever tous les obstacles, il a mis en contact les acteurs de la filière et l’OFAC pour développer leurs collaborations futures nécessaires. Ils auront l’occasion d’échanger à nouveau l’année prochaine, lors du second forum agendé en mai 2026.